Archive for novembre, 2015


Lors des dernières Utopiales, j’ai pu présenter mon prochain roman à paraître chez l’Atalante (pour le deuxième semestre 2016) et qui s’intitule Jardin d’hiver.

Dans le contexte du réchauffement climatique, un conflit est né en Europe entre des ingénieurs réunis sous la bannière du Consortium et des groupes écoterroristes de la Coop. Cette guerre dure depuis près de 20 ans, suite à un incident appelé « le crime du siècle ». Chaque camp a développé ses propres armes : des animaux-robots pour les ingénieurs, des plantes mécanisées pour les écologistes. L’histoire tourne autour d’une bande de contrebandiers cosaques qui récupèrent des pièces détachées après les batailles et qui tombent sur un inconnu amnésique au comportement étrange. Cette découverte les fera traverser l’Europe à la recherche du passé et des germes du futur.

Ce roman est parti de plusieurs envies. La première, c’est d’inventer une Europe du futur, totalement recomposée et dont la manifestation la plus pure est incarnée par un nouveau Paris. La capitale n’est plus une ville musée, mais une ville de grandes tours, d’arrondissements suspendus et de métros aériens. Je me suis aidé pour cela de l’exposition Revoir Paris, réalisée à partir de la bande-dessinée de Schuiten et Peeters et retraçant tous les projets de reconstruction de la ville à partir du 19e siècle.

Ensuite, j’ai voulu changer de perspective sur la question du rapport aux machines. Il devient de plus en plus cliché d’accuser l’informatique de transformer l’humain, de le soumettre et de le déformer. Dans le monde de Jardin d’hiver, les machines sont les seules entités dignes de confiance, les humains ne cessant de mentir, trahir, jouer la comédie pour servir leurs intérêts. J’ai tenté d’explorer toutes les symbioses possibles entre nature et mécanique, avec tout ce que cela implique.

Enfin, pour la première fois dans un roman, j’ai vraiment créé un personnage d’Intelligence artificielle. Comme dans ma nouvelle « la Reine d’Ambre », mon IA appelée Sublime n’a pas de langage et a développé une communication fondée sur la sensualité et la sensibilité. Sa puissance se dévoile au fur et à mesure du roman et j’aime bien le résultat.

D’un point de vue général, c’est un roman sur le pardon, élément essentiel pour un conflit qui va se terminer, avec tous les sacrifices que cela entraîne. Après, attendez-vous à de grosses scènes d’action, des armes aux capacités « un peu » excessives, et des personnages tout à fait héroïques. Jardin d’hiver est un grand opéra dont l’Europe est le décor.

Encore une belle édition que cette année, avec plus de 65 000 visiteurs à Nantes pour célébrer la science-fiction. Je ne suis pas resté assez longtemps pour avoir le temps de profiter de toutes les conférences et activités disponibles, mais le beau temps  n’a pas dissuadé le public de s’enfermer dans la Cité des Congrès.

Conférence sur la scène Shayol (photo ActuSF)

Ma première journée s’est répartie en trois événements :

  • Discussion avec mon éditrice au sujet de mon prochain roman qui s’intitule Jardin d’hiver. Plus d’informations à venir, mais la sortie est programmée pour le second semestre 2016.
  • Après un court passage par l’infirmerie (oui, les Utopiales, c’est dangereux), une interview croisée avec Jeanne-A Debats pour Imaj’nère (diffusion à venir sur Radio G. Moment sympa et détendu, même si je n’ai pas pu prolonger l’après-interview comme j’aurais aimé. Petit moment de stress au moment où on me demande de choisir une musique : j’écoute si souvent de la musique en écrivant que ne sélectionner qu’un morceau est une torture. Heureusement, Jeanne m’a soumis une piste et j’ai pu répondre.
  • Remise du prix Julia Verlanger et séquence-souvenir pour Ayerdhal. Le moment était délicat. Il était impensable de ne pas évoquer la disparition de cet auteur et pourtant, il s’agissait d’honorer un roman paru cette année. Par respect pour la présidente du prix, Sara Doke, il ne fallait pas que l’hommage phagocyte l’événement. Gilles Francescano a parfaitement su trouver les mots, les anecdotes pour parler de Yal, tandis que Pierre Bordage a lu le début de Transparences, Norman Spinrad est aussi intervenu pour évoquer la science-fiction française à cette occasion. Je trouve très bien qu’Ugo Bellagamba, directeur artistique du festival, fut présent autant pour marquer le décès d’Ayerdhal que pour souligner l’importance du prix Julia Verlanger. Cela donnait un bon équilibre à l’ensemble. J’ai lu des extraits des ouvrages sélectionnés, et notamment un passage de L’adjacent de Christopher Priest. Outre qu’il s’agit d’un très grand auteur de la science-fiction, j’ai une petite histoire avec Christopher au sujet des prix. Lors des Utopiales 2002, j’étais assis à côté de lui dans la grande salle de cinéma pour la remise du Grand Prix de l’Imaginaire et nous gérions notre stress, chacun à notre façon, avant de monter sur scène. Bien des années plus tard, à Epinal, il me reparlera de ce moment. Aussi, je me suis retrouvé très honoré de lui passer l’accolade lorsqu’il reçut un prix spécial du jury. J’aime l’idée que les auteurs ont des connexions spéciales entre eux, faites de hasard, qui n’ont rien à voir avec le prestige mais plutôt au fait d’appartenir à une sorte de famille, au sens large du terme. Me trouver dans la même famille que Priest, c’est génial. Tout autant que se trouver dans la même famille que Laurent Genefort, lauréat 2015 du prix Julia Verlanger. Même après une carrière aussi longue, Laurent mérite qu’on célèbre encore son talent, sa passion pour la science-fiction. Il fait partie des conteurs, des inventeurs de mondes, et j’apprécie tout particulièrement d’avoir transmis le prix à quelqu’un qui, humainement, est tout aussi remarquable.

Photo ActuSF

Le lendemain commença plus rudement avec une partie « travail ». Mon éditeur, l’Atalante, organise des réunions entre auteurs, libraires, représentants et bibliothécaires pour parler des projets des uns et des autres pour l’année à venir. C’est assez informel, c’est TÔT, à l’aune d’un festival, mais l’occasion est belle pour avoir le temps de présenter les futures publications. Je ne peux rien dire pour les camarades, histoire qu’ils puissent réserver des surprises, mais j’ai pu annoncer la sortie au second semestre 2016 de Jardin d’hiver, mon prochain roman. Je ne vais pas détailler car je le ferai dans un autre post.

Samedi après-midi fut entièrement consacré aux tables rondes et dédicaces. La première, consacrée aux faux-semblant du politique, permit de parler du pouvoir en compagnie de scénaristes/auteurs de BD. Elle se déroula aisément et dans une bonne ambiance, la confrontation avec des non-écrivains étant très intéressante de mon point de vue. Je n’ai pas pu m’empêcher d’évoquer le fait que si la bande dessinée politique apparaît vraiment avec la revue Métal Hurlant dans les années 70, elle apparaît dans les mangas dès les années 50-60. Il aurait fallu plus de temps pour expliquer cette différence, qui tient plus au contexte éditorial qu’à un vrai choix des auteurs dans le cas francophone.

La seconde table ronde fut beaucoup plus problématique à mon goût. Elle traitait de la question de la société de surveillance et des dystopies, en compagnie de Catherine Dufour, Alain Damasio, Jake Raynal et Jean-Marc Ligny. Le public sur la scène Hetzel s’était beaucoup mobilisé, preuve que le sujet est très sensible. Tant mieux. En revanche, j’ai trouvé très perturbant que les propos d’Alain Damasio soient systématiquement applaudis (et ceux de Catherine, dans une moindre mesure). Je n’ai rien à reprocher à Alain et Catherine, tous les deux très sympathiques et impliqués dans leurs propos. Sauf que cette ambiance, très différente de toutes les autres, transformait la table ronde en un meeting sans que l’on sache très bien d’où ça venait. Parfois, j’ai eu le sentiment qu’un mot de trop pouvait faire déraper. J’aime bien pouvoir rebondir sur les propos tenus par les autres intervenants en conférence, pour mieux comprendre ou pour instaurer un dialogue, et je sais que la plupart des modérateurs apprécient cela. Ici, j’ai limité autant que possible, et je trouvais bizarre d’avoir l’impression de monologues plutôt que de table ronde. Je n’ai aucune idée du résultat (certes, on trouve toujours des gens pour apprécier les interventions de chacun, mais vu le nombre de personnes ayant assisté, leur proportion reste inconnue), mais je n’aimerais pas renouveler l’expérience de vivre une tribune politique où la discussion a un côté factice du fait des réactions du public. C’est physiquement qu’on sent le malaise, alors même qu’intellectuellement le cerveau fonctionne toujours.

Le dernier jour du festival fut l’occasion d’apprécier l’atmosphère printanière de Nantes ce 1er novembre, de rencontrer l’auteur Francesco Verso, éditeur numérique de la version italienne de la « Reine d’Ambre » et de dire au revoir à tous, notamment aux bénévoles qui font un travail remarquable et se démènent pour rendre la vie facile aux auteurs. Mes remerciements finaux à l’équipe du festival, Marie Masson, Roland Lehoucq et Ugo Bellagamba, qui ont su trouver la formule pour attirer du monde. A propos d’Ugo, ce dernier vient d’annoncer qu’il avait présidé à ses dernières Utopiales en tant que directeur artistique, dans un texte très beau et très élégant. Avec ce côté « gentleman » qui le caractérise, il reconnait des erreurs et des fautes, mais pour l’auteur que je suis, invité au cours des dernières éditions, je considère qu’il n’a pas à rougir de son bilan. Il fallait beaucoup de brio pour donner une identité claire à ce festival en tentant de mélanger science et fiction sans se couper du grand public. Le succès grandissant, au fil des éditions, prouve qu’il s’agissait d’une option payante, une bonne intuition (au sens scientifique du terme). Merci Ugo, avec Roland, vous avez su imprégner votre marque sur le festival et j’espère que cela continuera de se faire sentir dans les éditions suivantes !

IMG_0060

Le « Janus bifrons » des Utopiales, Ugo et Roland